Les guides de densité pour gérer les éclaircies et les coupes progressives

Poursuivant sa série de chroniques sur la boite à outils du sylviculteur, le CERFO s’intéresse à des outils de gestion de la densité de tiges, simples et performants, qui permettent de gérer le prélèvement dans les éclaircies et le couvert protecteur dans les coupes progressives. En effet, l’utilisation d’un pourcentage de surface terrière comme seule référence s’avère souvent inappropriée pour ces deux tâches : cette approche ne considère pas l’état du couvert d’origine et l’espace occupé par la cime peut différer d’une espèce à l’autre, pour une même surface terrière.

Article paru dans le Monde forestier du mois d’avril 2018

Dispositif de CPE 1996 à Denholm – Suivi à l’âge de 18 ans, soit 5 ans après un dégagement à l’européenne visant à favoriser la régénération du chêne rouge. Rapport 2018-08. 41 p.

La région de l’Outaouais ayant entrepris un virage pour favoriser le chêne rouge et le pin blanc, le dispositif expérimental de coupes progressives avec enrichissement sous couvert, établi en 1996 à Denholm en collaboration avec les entreprises Pro-Folia et le MFFP, apporte un tout nouvel éclairage. Il s’inscrit également dans l’axe Conversion de peuplements par régénération artificielle sous couvert proposé dans Stratégie d’aménagement forestier pour l’augmentation de la résistance des forêts aux changements climatiques (Lessard et al., 2018).

En 2009 (8 ans après la coupe finale), suite aux constats que 61 % du dispositif était régénéré en essences désirées (une diminution depuis 2001), mais que 52 % de ces tiges n’étaient pas libres de croître (Blouin, Bournival et Lessard, 2009), un nouveau dispositif de recherche a été établi pour comparer deux densités de dégagement à l’européenne (400 ti/ha et 800 ti/ha) avec un témoin (aucune intervention). Le dégagement à l’européenne s’effectue sur le tiers supérieur des tiges à dégager pour une mise en lumière, conservant un gainage pour limiter la croissance des branches et favoriser l’élagage naturel.

L’intensité d’intervention de dégagement à l’européenne de 800 ti/ha, dans un peuplement qui n’avait été traité depuis l’installation de la régénération que par la coupe finale de mise en lumière avec protection de la régénération installée, est sorti significativement positive pour le chêne rouge avec actuellement 840 ti/ha et une distribution de 66 % en chêne rouge dont 63% sont libres de croitre. Les résultats après 5 ans suggèrent déjà qu’un autre dégagement, cette fois de 400 ti/ha, sera cependant nécessaire dès 2018.

Le peuplement initial comportait 4,7% de chêne rouge et 50,2 % de hêtre en 1996. L’utilisation du procédé de régénération par coupes progressives avec enrichissement de plants et de glands de chêne rouge a permis d’amorcer la conversion en chênaie à chêne rouge et érable à sucre. Si on considère les 500 plus belles tiges à l’hectare bien réparties, le chêne rouge représente 48% de ces tiges suivi par le hêtre et l’érable rouge. L’application d’un autre dégagement et d’un régime d’éclaircie commerciale permettront de s’approcher de l’objectif de production du 2/3 de chêne dans le peuplement final sur un horizon projeté de 80 ans.

Le rapport propose plusieurs recommandations pour la poursuite du scénario et l’optimisation du scénario actuel qui ont permis de diminuer la présence du hêtre dans l’étage dominant comme le suggère l’avis scientifique de la Direction de la recherche forestière du MFFP (DRF, 2017). Il est notamment recommandé de procéder à l’avenir à un dégagement hâtif entre 4 et 7 ans, plutôt qu’attendre 13 ans. Fait important à noter, la conversion n’est qu’un des moyens nécessaires à l’augmentation de la résistance aux changements climatiques.

Suivi du bois sur pied dans une CPE effectuée en 2002 – Dispositif expérimental de Duchesnay. Rapport 2016-03. 52 pages + 1 annexe.

À la station écotouristique de Duchesnay, un régime de coupes à blanc par bande a été amorcé au début des années 80 dans des peuplements dégradés. Comme la régénération des bandes résiduelles pouvaient présenter certains risques d’être mal régénérées et étant donné l’importance de la fonction paysage pour l’écotourisme, l’option de coupes progressives (CPE) est envisagée, permettant de maintenir un couvert qui sert alors de sources de semences et d’abris pour la régénération. Un dispositif de CPE a été installé en 2002 dans des bandes résiduelles étudiant à la fois les prélèvements et la préparation de terrain. En 2010, un dégagement à l’européenne (nettoiement) a été effectué sur la moitié de toutes les unités expérimentales afin d’évaluer l’effet de ce traitement sur la régénération en essences désirées. Jusqu’ici, trois suivis de la régénération ont été réalisés : en 2003 (un an après intervention), en 2008 (6 ans après intervention) et en 2010 (8 ans après intervention).

Une fois l’étape de l’établissement de la régénération accomplie, trois scénarios sont possibles dans le traitement de CPE : effectuer une ou des coupes secondaires (augmenter l’apport en lumière tout en conservant un couvert), effectuer la coupe finale (libérer complètement la régénération) ou laisser le peuplement résiduel en place s’il ne nuit pas à la régénération.

En 2013-2014, afin d’étudier l’évolution du peuplement résiduel et choisir l’option la plus pertinente, un inventaire du bois sur pied a permis de mesurer :

-l’accroissement moyen par classe de DHP;  l’évolution de la vigueur moyenne;

-la rentabilité de la récolte; –

l’intérêt faunique potentiel du peuplement.

Selon l’état actuel des peuplements et les prévisions qui ont été faites, la coupe finale du procédé de régénération par coupes progressives est proposée pour être réalisée prochainement afin de libérer la régénération établie. Parmi les arguments retenus, on retrouve :

– Valeur sur pied à l’hectare en décroissance;

– 30 à 40 % du volume est classé M, prêt à récolter;

– Volume de récolte intéressant, de qualité et de valeur;

– Libérer la régénération désirée en bouleau jaune installée qui :

o ne nécessite plus la protection de couvert, nécessaire au stade d’installation;

o vient d’être dégagée de la compétition de HEG et d’ERP;

o risque à nouveau d’être entravée si elle continue de pousser sous couvert;

Centre d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy inc. (CERFO)

Régénération du pin blanc par coupes progressives (Dispositif du secteur Alexandre à Fort-Coulonge). CERFO. Rapport 2010-09. 39 p. + 4 annexes.

Dans la région de l’Outaouais, les suivis de la régénération dans les travaux des dernières décennies (CDL, jardinage, coupe progressive) confirment l’absence quasi-totale de régénération de pins blancs dans les strates à production prioritaire de pin, régénération qui n’est plus favorisée par le passage des feux, maintenant contrôlés. Dans ce contexte, la Compagnie Commonwealth Plywood Ltée et le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, en collaboration avec le CERFO, ont mis en place un important dispositif expérimental et 2004, au secteur Alexandre.

Composé de 5 blocs (suivant une variabilité de conditions de station), il comporte 4 traitements et 3 types de préparation de terrain. Les traitements étudiés sont la coupe progressive d’ensemencement (CPF) et l’éclaircie commerciale de feuillus et de pins (ECF) adaptés de la norme appliquée au Québec, la coupe progressive uniforme ontarienne (CPU) et un témoin sans intervention. Les préparations de terrain évaluées à l’intérieur des traitements sont le scarifiage, le scarifiage ayant bénéficié d’une plantation et un témoin n’ayant reçu aucune préparation de terrain. La récolte est réalisée en 2005. Le scarifiage a été décalé de manière à être synchronisée avec la bonne année semencière de 2007 (300 000 à 1 000 000 semences/ha). Le remesurage de 2009 s’intéresse à l’installation de la régénération du pin blanc et de la compétition.

Déjà, certaines conclusions sont évidentes et déjà documentées dans la littérature. Le scarifiage favorise la régénération du pin blanc mais contribue aussi à augmenter la compétition en feuillus intolérants. Les semis de pin blanc plantés accusent déjà un retard de croissance sur leurs compétiteurs feuillus et un dégagement est à envisager le plus rapidement possible. L’intensité de l’ouverture du couvert comporte également un effet positif sur la distribution et le nombre de tiges de pin blanc. Par contre, un couvert plus fermé présente moins d’espèces intolérantes.

La gestion de la lumière n’est pas adéquate dans les modalités de coupes progressives ontariennes ou québécoises. En effet, le type de prélèvement n’assure pas l’abri nécessaire (shelter) pour contrôler l’envahissement des espèces de lumière : 64% des PE (CPF) et 86% des PE (CPU) CPU ne respectent pas la recommandation de seuil minimal de 50% de recouvrement. Il y aurait lieu de viser plutôt un nombre de tiges résiduelles, tirés de nomogrammes de densité (considérant ainsi le coefficient d’espace vital). Les prélèvements fixes ou encore basés uniquement sur la priorité de récolte MSCR devrait être abandonnés pour des préoccupations plus sylvicoles de régénération et de croissance.

Des suivis après 3, 5, 7 et 10 ans seront nécessaires pour tracer l’évolution du coefficient de distribution du pin blanc et des autres espèces, pour vérifier la présence et la vulnérabilité au charançon du pin blanc et à la rouille vésiculeuse. La poursuite de ces travaux permettra de documenter les scénarios sylvicoles adaptés et applicables aux peuplements de pin blanc de l’Outaouais.

Dispositif expérimental de régénération du pin blanc par coupes progressives – Rapport des activités 2007

Au cours du XXe siècle, les développements technologiques (transport, récolte, etc.) ont facilité l’accessibilité aux massifs forestiers tant pour la protection contre les feux que pour les interventions sylvicoles (Bouillon, 2003). Ces développements ont affecté la dynamique naturelle des pinèdes blanches. En effet, les suivis de la régénération dans les travaux effectués au cours des dernières années confirment l’absence quasi-totale de régénération de pins blanc et rouge dans les strates à production prioritaire de pin et ces observations ont suscité un questionnement quant à la stratégie à adopter afin de préserver la vocation de ces superficies.

C’est dans ce contexte que la compagnie Commonwealth Plywood Ltée et le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, en collaboration avec le CERFO, ont mis en place un important dispositif de comparaison de traitements depuis 2004. Ce dispositif a pour objectif de comparer et d’identifier les procédés de récolte et de régénération favorables aux pins blanc et rouge.

Le dispositif situé dans le secteur Alexandre au nord de Fort-Coulonge comprend 96 ha traités par coupe progressive uniforme (CPU) ontarienne, 12 ha par coupe progressive d’ensemencement du Québec (CPF), 20 ha en éclaircie commerciale de feuillus et de pins (ECF) du Québec et 17 ha en superficie témoin (TEM) non traitée, pour un grand total de 145 ha.

Les interventions de récolte ont été réalisées en 2005 alors que des travaux de préparations de terrain et de reboisement lors d’une mauvaise année semencière ont été réalisés au printemps 2006. Les travaux de préparation de terrain en vue de l’ensemencement naturel lors d’une bonne année semencière ont été réalisés à l’été 2007.

La pluie de semences a été abondante avec l’équivalant de 300 000 à 1 000 000 de semences à l’hectare durant le mois de septembre 2007.

C’est le suivi de ces travaux au cours des prochaines années qui permettra de documenter des scénarios sylvicoles adaptés et applicables aux peuplements de pin blanc et rouge de l’Outaouais.

Les coupes progressives

Ce procédé de régénération consiste en plusieurs coupes partielles qui ouvrent progressivement le peuplement pour favoriser l’établissement et la survie de la régénération sous un couvert protecteur.

Article paru dans le Monde forestier du mois de juin 2007

Essais de coupes progressives au Lac Mongrain (Phase 1). CERFO. Rapport 2005-02. 23 p.

Le massif de forêt habitée du Lac Mongrain couvre une superficie d’environ 400 ha à l’entrée du Parc national de la Mauricie à St-Mathieu-du-Parc. Il s’agit d’un territoire public facilement accessible dont certaines caractéristiques particulières ont déjà été mises en valeur par la création d’un amphithéâtre naturel et de sentiers pédestres (ski de fond) permettant de découvrir la diversité du milieu et mettant en valeur différents points de vue pour la beauté du paysage. Des secteurs sensibles font également l’objet de conservation du milieu en vue de la protection de la tortue des bois.

Ce territoire public aux vocations multiples fait l’objet d’un contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) octroyé par le MRNFP. Le milieu très accidenté augmente les contraintes d’accès au massif. Dans les peuplements mixtes à résineux et feuillus intolérants ou semi-tolérants qui dominent ce secteur, l’intervention habituelle de récolte est la coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS) qui réduit considérablement l’esthétique du paysage et favorise le développement de la compétition sur les stations riches.

L’objet de ce projet est de proposer des interventions sylvicoles pour palier à ces problèmes et favoriser l’harmonisation des utilisations de ce territoire. Dans un premier temps, des activités d’amélioration de la connaissance de ce territoire ont été réalisées : photo-interprétation fine, reconnaissance du territoire sous forme de points de contrôle, cartographie, inventaire d’intervention forestière et compilation des données. Ces sources d’informations ont ensuite permis d’effectuer un diagnostic sylvicole et de proposer des interventions sylvicoles adaptées à la problématique de ce chantier. Outre les érablières où le jardinage par trouées est recommandé, les interventions prescrites sont de la famille des coupes progressives avec des modalités adaptées aux massifs forestiers rencontrés. Ces prescriptions pourront être mises en œuvre dès que Gérard Crête et fils aura les équipes de récolte nécessaires à la réalisation d’interventions dans ce contexte sensible et qu’une entente sera convenue entre les parties intéressées au massif et les gestionnaires du territoire.

Différentes méthodes de coupes progressives et productivité de récolte dans les peuplements mélangés à dominance résineuse, aire commune 41-01. CERFO. Rapport 2000-05. 40 p.

La présente étude s’inscrit dans le cadre d’un projet de plus grande envergure, portant sur l’application de nouvelles méthodes de coupes dont le but est de créer des conditions écologiques diversifiées et optimales afin de satisfaire les exigences particulières des espèces en régénération dans les peuplements mixtes à dominance résineuse de la région du Bas-St-Maurice.

Des interventions mécanisées ont eu lieu dans le secteur du Lac en Croix alors que des interventions conventionnelles se sont réalisées au Lac Belette.

Les traitements mis à l’essai et comparés sont : la coupe avec protection de la régénération et des sols, la coupe progressive d’ensemencement par pied d’arbre, la coupe progressive d’ensemencement par trouées de 1H, 1,5H et 2H et les aires de croissance de 0,25 ha, 0,5 ha et 1 ha.

La récolte mécanique des arbres s’est avérée un moyen efficace dans les traitements par trouées inférieurs à 0,15 ha. La meilleure productivité de l’abatteuse façonneuse a été observée dans la CPE régulière en raison principalement d’un volume moyen par tige récoltée supérieur aux autres traitements.

Lors de la réalisation des opérations conventionnelles, aucune différence significative n’a été observée entre les traitements. On remarque toutefois une tendance où les plus petites trouées (1H) sont les moins productives, possiblement dû à la difficulté de manœuvre et à la réalisation de voyage avec des charges incomplètes. Il est important de noter que ce sont les façons de travailler (nombre de billes par voyage) et les conditions du site (volume par voyage et distance de débardage) qui ont la plus grande influence sur la productivité.