Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les forêts en avril 2013, l’importance grandissante des coupes progressives irrégulières (CPI) soulève plusieurs inquiétudes chez les biologistes responsables de la faune quant à leurs impacts éventuels sur les habitats fauniques.
Un projet a donc été mis sur pied afin de se pencher sur l’effet des CPI sur les caractéristiques d’habitat. Pour ce faire, les exigences des trois espèces sensibles à l’aménagement identifiées par le MRN pour l’Outaouais ont été examinées. Ces espèces sont : le pékan, le grand pic et la paruline couronnée. Un catalogue des différents patrons et variantes de CPI a été réalisé, comptant : coupe progressive irrégulière par micro-peuplements, avec couvert permanent, par trouées agrandies, à régénération lente en plein, par lisières, avec approche multitraitement, éclaircie commerciale irrégulière et traitement hybride (jardinage extensif). Pour chacun de ces cas, une fiche analytique décrit le procédé de régénération, les objectifs, les peuplements potentiellement adéquats, les aspects cruciaux associés à leur réalisation, les effets potentiels sur les enjeux écologiques et les espèces sensibles, et présente certaines considérations économiques.
Un chantier de coupe a été retenu comme exemple pour l’analyse des exigences des espèces sensibles. Différents traitements ont été simulés et l’évolution des conditions après coupe a également été évaluée par rapport à ces exigences. Des indications sont fournies quant au temps de restauration nécessaire pour certaines conditions propices aux espèces sensibles, à la suite des interventions. Des hypothèses ont aussi été posées quant à l’évolution des conditions d’habitat associées à l’application des différents scénarios sylvicoles du régime de la futaie irrégulière. Les résultats obtenus ont également été analysés à l’échelle de l’UTR et à une nouvelle échelle de référence, soit le groupe de parcelles du parcellaire, dont la dimension s’approche de la superficie du domaine vital du pékan. Des mesures d’atténuation ont été déterminées afin de réduire, dans la mesure du possible, les effets négatifs des CPI sur l’habitat des trois espèces considérées.
À partir des connaissances préliminaires tirées de la littérature, il semble qu’aucun type de CPI ne conviendrait à la paruline couronnée en raison de l’ouverture du couvert favorable à l’établissement de la régénération, qui se traduit par un développement du sous-bois ne convenant pas à cette espèce. De plus, la préparation de terrain n’est pas compatible avec sa nidification au sol utilisant la litière feuillue. Il faut, par conséquent, prévoir le maintien en rétention de noyaux durs d’habitat d’une superficie supérieure à 90 ha constitués de vieux peuplements feuillus fermés, et situés à l’intérieur de blocs forestiers non fragmentés mesurant au moins 500 ha, afin d’assurer la viabilité d’une population locale.
D’après les informations disponibles, le pékan pourrait s’accommoder des habitats créés par les coupes partielles, si le couvert résiduel est suffisant et que la complexité structurale n’est pas trop affectée négativement par l’intervention. Cependant, le modèle de qualité d’habitat (MQH) du pékan est à revoir. Actuellement, cette espèce apparaît comme opportuniste puisqu’elle suit ses proies; en effet, la présence de résineux ainsi que l’ouverture du couvert ne semblent pas représenter des facteurs significatifs pour qualifier son habitat, contrairement à la présence d’arbres à cavités et de gros débris ligneux au sol (refuge et aire de repos), qui constituent des composantes essentielles de son habitat.
Le grand pic pourrait aussi fréquenter les habitats générés par les coupes partielles, à condition de prévoir la rétention de gros chicots et arbres moribonds. Il semble s’accommoder des coupes actuelles.
Cependant, pour toutes ces espèces, la coupe finale prévue dans plusieurs des scénarios de coupes progressives entraîne la perte des attributs essentiels pour quelques décennies, notamment ceux qui confèrent au peuplement le statut de vieille forêt, soit la présence importante de gros arbres et une couverture arborescente supérieure à 40 %. Des modalités de rétention peuvent alors être considérées pour limiter les effets négatifs.
Ceci est la version 2 du rapport. Elle remplace la première version du rapport, sortie en septembre 2013.