Faisabilité d’implantation d’une mosaïque d’aires protégées pour le caribou dans la région de la Capitale-Nationale. Rapport 2013-16. 253 p. + 10 annexes.

Une grande partie du territoire de la Capitale-Nationale est fréquentée par le caribou forestier, désigné comme « espèce vulnérable » au Québec. Sur une portion importante de son aire de répartition, peu de mesures tendent à concilier le maintien d’un certain niveau d’activités anthropiques avec les exigences du caribou forestier en termes d’habitat et de quiétude, essentielles à sa survie. De plus, les probabilités d’extinction à court terme de cette harde isolée sont élevées. Parallèlement à ces constats, si le réseau d’aire protégée de catégories strictes (principalement les parcs nationaux) est relativement bien représenté dans la région de la Capitale-Nationale (≈8,8 %), la Conférence régionale des élus (CRÉ) s’est fixé comme objectif d’augmenter de 3 %, d’ici cinq ans, la représentativité des aires protégées qualifiées de « moins strictes » (catégories IV à VI, permettant un certain niveau d’activités anthropiques), pour atteindre 15 % en aires protégées dans la région. Dans ce contexte, il devient intéressant d’évaluer la faisabilité d’implanter une nouvelle aire protégée moins stricte dans la région de la Capitale-Nationale, qui viserait la protection de la population du caribou forestier et de son habitat, harmonisée avec les activités anthropiques sur le territoire. Plus spécifiquement, ce projet a pour objectifs (1) d’identifier des secteurs propices à la création d’une nouvelle aire protégée sur l’ensemble du territoire occupé par la population de caribou; (2) de proposer un ou plusieurs scénarios-type d’implantation d’aires protégées et (3) d’en évaluer les impacts sur l’utilisation actuelle des ressources du territoire. La démarche adoptée a permis de cerner les besoins du caribou, d’identifier les enjeux présents sur le territoire, liés à cette espèce et de proposer des solutions. Le territoire d’étude est représenté par l’aire de répartition de la harde de caribous de Charlevoix, où l’on retrouve plusieurs territoires structurés (réserve faunique des Laurentides, ZEC des Martres, pourvoirie du lac Moreau) et trois parcs nationaux. Dans ce contexte, il a été décidé de créer un comité d’utilisateurs présents sur le territoire d’étude et de spécialistes sur le caribou, et de le consulter aux étapes clés du projet. Parmi les principaux enjeux recensés, on retrouve le faible taux de recrutement dû à la prédation importante des jeunes faons par l’ours noir, le dérangement accru du caribou, en particulier

pendant les périodes critiques de son cycle (mise bas et hivernage), la fragmentation élevée du territoire due à une forte densité du réseau routier et la perte de grands massifs de forêt mature. L’analyse des enjeux a ensuite permis de cibler, sur le territoire, des secteurs potentiels pour une nouvelle aire protégée. Plusieurs propositions de secteurs ont été présentées au comité mais il a été décidé de n’en retenir qu’une seule pour l’évaluation des impacts (celle qui couvre le plus largement les secteurs actuellement visités par les caribous). Ce scénario propose l’ajout 1 900 km2 en aire protégée, ce qui augmenterait de 9 % la représentativité des aires protégées dans la région. Trois types de secteurs sont proposés : les blocs caribou, les corridors caribou et les blocs polyvalents. Des modalités d’activités issues des solutions proposées ont ensuite été associées à chaque type de secteur. Dans un modèle d’aire protégée avec utilisation durable des ressources, les modalités visent alors à maintenir autant que possible le niveau des activités anthropiques actuellement pratiquées. Par contre, des restrictions sont apportées pour satisfaire les objectifs visés de protection du caribou et de son habitat. Un gradient de polyvalence des activités est donc proposé, en fonction de l’intensité de l’utilisation du secteur par le caribou.

Une évaluation des impacts de la mise en œuvre des modalités proposées a également été réalisée. Les impacts les plus important concernent : (1) une baisse de 36 % de la possibilité forestière dans l’UAF 031-53; équivalant à la perte d’environ une centaine d’emplois, (2) une limitation de la fréquentation de 137 lacs (dont 6 avec un achalandage très élevé) pendant les périodes de mise bas et de début de vie des faons (15 mai au 15 juillet), dans les secteurs où le caribou séjourne pendant cette période et (3) la relocalisation de 10 km de sentier de motoneige et de 30 km de quad. Des mesures d’atténuation de ces impacts sont proposées dans la section des recommandations.

L’exercice réalisé propose donc un exemple de scénario d’implantation d’une aire protégée avec utilisation durable des ressources, qui s’apparenterait au modèle d’aire protégée polyvalente en cours d’expérimentation au Québec. Ce modèle permet de mettre en place des mesures de protection du caribou et de son habitat, tout en rendant possible un certain niveau d’activités humaines, dont les activités industrielles comme la récolte forestière. Un comité de gestion et de suivi pourrait être mis sur pied, pour permettre aux intervenants responsables de la mise en valeur des différentes ressources présentes dans l’aire protégée de travailler ensemble et d’assurer une coordination des efforts et une gestion plus efficiente du territoire et de ses ressources. Étant attenant à trois parcs nationaux, ce projet permettrait de constituer un complexe d’aires protégées multicatégories.

Le scénario à l’étude repose sur des propositions de secteurs et de modalités d’activités qui devront certainement être raffinées ou modifiées. De plus, dans le cadre du présent mandat, il a été décidé de concentrer l’analyse sur la problématique du caribou, mais une analyse plus exhaustive de l’ensemble des enjeux de protection présents sur le territoire devra être faite si le projet d’aire protégée se concrétise. Plusieurs questions demeurent, notamment sur la synergie possible entre les activités sylvicoles et la restauration d’attributs de l’habitat du caribou, l’équilibre entre la protection de l’espèce et la présence humaine, les besoins du caribou en lien avec le dérangement humain… Par contre, l’exemple de scénario proposé permet nettement d’entrevoir les défis qui se poseront, si les instances gouvernementales décident d’aller de l’avant avec un projet d’aires protégées dans la région.

Exploration des concepts reliés aux aires protégées, incluant différentes formes d’utilisation humaine dans la Capitale-Nationale. SHFQ et CERFO. Rapport principal 2012-07. 86 p.

Les aires protégées sont les constituants fondamentaux des stratégies de conservation nationales et internationales. À l’échelle internationale, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) propose des lignes directrices permettant aux différents gouvernements d’utiliser un système de référence international pour aborder et traiter les questions relatives à leur réseau d’aires protégées. Cette organisation reconnaît six catégories d’aires protégées, dont certaines sont considérées comme étant plus strictes (activités humaines limitées et aucune exploitation des ressources naturelles) et d’autres plus ouvertes à la présence des humains et à une exploitation durable des ressources naturelles. Récemment, le gouvernement a clairement exprimé son désir d’ancrer son réseau dans les catégories de l’UICN.

La région de la Capitale-Nationale présente un potentiel intéressant pour l’implantation d’aires protégées de catégories IV, V et VI, où des interventions humaines sont possibles. En effet, on retrouve dans cette région un réseau d’aires protégées de catégories I à III déjà bien établi. Autour de ces noyaux de conservation stricte déjà existants et couvrant des superficies significatives, plusieurs sites pourraient présenter un potentiel pour l’implantation d’aires moins strictes.

Dans ce contexte, le présent projet amorce une réflexion large sur les aires protégées moins strictes encore peu répandues au Québec. Il est ainsi proposé une série de définitions de termes de référence utilisés pour la compréhension des catégories IV, V et VI, tels que nature, valeur, paysage, patrimoine, tradition, production industrielle. Suit une présentation de ces catégories, accompagnée de quelques exemples retrouvés au Québec ou à l’étranger et une description de plusieurs sites localisés dans la région de la Capitale-Nationale, présentant un potentiel pour l’implantation d’aires protégées moins strictes. La présentation de ces exemples permet de susciter une réflexion quant à l’applicabilité de ce type d’aires protégées dans la région d’étude. Les grandes lignes de la réflexion menée dans le cadre de ce projet sont finalement résumées sous la forme de plusieurs faits saillants à la toute fin du document.

Il en ressort notamment que si la protection de la biodiversité demeure la pierre angulaire de toute réflexion entourant la création d’aires protégées (peu importe la catégorie), les aires protégées moins strictes permettent de considérer plusieurs autres valeurs telles que culturelles, identitaires, esthétiques ou spirituelles. De plus, une stratégie de protection de la biodiversité devrait viser l’élaboration d’un réseau multi-catégories ayant pour noyau central les aires strictes de protection (I, II et III), autour duquel des zones tampons représentées par les aires moins strictes sont installées. La présence de telles zones tampons apportent ainsi une force supplémentaire au réseau. L’élaboration de complexes d’aires protégées utilisant des modes de gestion divers, de manière complémentaire, formant alors un gradient de protection, représente une orientation à développer au Québec dans les années à venir.