Les mycorhizes sont des associations symbiotiques entre un champignon et une plante vasculaire ou une bryophyte. Le fruit de cette association procure des avantages multiples, à la fois à la plante vasculaire et au champignon. Certains champignons ectomycorhiziens (EC) sont comestibles et à valeur commerciale, par exemple des bolets (Boletus) et des lactaires (Lactarius). Or, la récolte de champignons forestiers à valeur commerciale représente un intérêt grandissant pour les amateurs de produits forestiers non ligneux (PFNL). La production de plants mycorhizés par des EC présente donc un intérêt, autant pour les pépiniéristes que la filière mycologique.
Ce projet a alors pour but de développer et tester plusieurs méthodes pour la production efficace de semis de plants de résineux ectomycorhizés (Pinus banksiana, Pinus koraiensis et Picea glauca) par des champignons à potentiel commercial (Boletus chippewaensis et Lactarius deliciosus), afin de permettre ultimement l’utilisation de cette approche par des pépiniéristes. Plusieurs objectifs spécifiques ont guidé le projet : (1) vérifier quelle(s) technique(s) de production de mycélium liquide (en suspension, broyé ou en emporte-pièce) offre(nt) les meilleurs gains en biomasse de mycélium ; (2) comparer, par la mise en place et le suivi d’un dispositif expérimental en laboratoire, le succès de l’inoculation de graines de 3 essences forestières par deux champignons EC à valeur commerciale ; (3) vérifier quel nombre d’inoculations de mycélium liquide (1, 2 ou 3) offre un taux de colonisation racinaire des essences résineuses par les EC plus élevé et (4) vérifier quelle(s) association(s) d’essences résineuses et de champignon EC offre(nt) les meilleurs gains en biomasse de mycélium et un taux de colonisation racinaire des essences résineuses par les EC plus élevé que les autres.
Ainsi, trois méthodes de production d’inoculum liquide de mycélium ont été testées. Les méthodes par emporte-pièce et par broyage produisent des rendements en mycélium supérieurs à la méthode en suspension dans le cas de Boletus. Aucune différence n’a pu être démontrée entre les 3 méthodes pour Lactarius.
L’implantation et le suivi pendant 4 mois d’un dispositif expérimental rigoureux, testant 3 modes d’inoculation des 2 champignons sur les 3 essences résineuses visées n’ont malheureusement pas permis d’apporter des réponses satisfaisantes quant aux combinaisons de champignons, essences forestières et méthodes d’inoculation qui apportent le meilleur taux de colonisation racinaire des semis. En effet, le séquençage d’ADN confirme l’absence de Lactarius sur les apex racinaires analysés 4 mois après la mise en terre des semences. Dans le cas de Boletus, les tests de séquençage n’ont pas été concluants. En revanche, plusieurs champignons mycorhiziens que l’on retrouve couramment dans l’environnement ambiant ont été détectés et ont peut-être été des compétiteurs qui ont nui au développement des 2 champignons ciblés par le projet.
Ainsi, on peut conclure qu’il n’est pas aisé, à la lumière des résultats obtenus, de développer une méthode de production de semis à partir de graines de résineux ectomycorhizés par Boletus et Lactarius, en conditions non stériles, qui serait alors utilisable par les pépiniéristes.
Plusieurs pistes sont présentées pour poursuivre les recherches sur ce sujet. Il est tout d’abord proposé de vérifier en amont de toute nouvelle démarche, la compatibilité entre les champignons testés et les essences forestières hôtes par un test de Wong et Fortin ou autres techniques de culture in vitro. L’augmentation de la concentration de propagules viables ainsi que des essais d’autres modes d’inoculation que la méthode liquide par broyage pourraient être testés. Des inoculations plus tardives au stade des racines secondaires pourraient également influencer le succès de la mychorhization. L’évaluation du taux de survie des propagules dans le sol durant la période de croissance des semis et le suivi du dispositif sur une durée plus longue, qui rendrait alors aussi possible la réalisation d’inoculations plus tardives, permettraient finalement de mieux guider la séquence et la méthode d’inoculation optimales.