Forêt Hereford inc. (FHI) est un organisme de bienfaisance créé en juin 2013, qui s’occupe de la gestion d’un territoire forestier privé de près de 5 600 hectares situé dans le sud de l’Estrie, dans les municipalités de Ste Herménégilde et East-Hereford. FHI souhaite poursuivre le développement d’un modèle de gouvernance du type des forêts communautaires, encore inexploité au Québec.
Un projet, supporté par le programme de financement Passeport Innovation, prévoyait deux étapes : lors de la première, une analyse du modèle de gouvernance en place à FHI et des propositions d’améliorations de ce dernier sont présentées (Blouin et al. 2017). On y retrace également les diverses tentatives d’implantation du concept de forêt communautaire au Québec, souvent infructueuses, et les éléments de réussite de plusieurs cas dans des États du nord-est des États-Unis.
Pour la seconde étape du projet, qui fait l’objet du présent rapport, les objectifs sont (1) Mettre à l’épreuve le modèle de gouvernance proposé dans le cadre d’un exercice de planification intégrée de la Forêt Hereford; (2) Élaborer le portrait des ressources et productions de la Forêt Hereford et des besoins, perceptions et valeurs de la communauté environnante, nécessaires à l’exercice de planification intégrée; (3) Proposer un scénario de zonage fonctionnel du territoire qui répond aux besoins de la communauté environnante, et ce, dans le cadre du modèle de gouvernance proposé. Selon les pistes d’améliorations proposées au modèle de gouvernance, un comité consultatif réunissant les différents organismes déjà impliqués dans la gouvernance de FHI et quelques intervenants supplémentaires a été mis sur pied et s’est réuni à deux reprises. Des consultations individuelles ont également eu lieu au cours du projet. Dans le cadre de ces diverses consultations, les intervenants du milieu ont alors pu exprimer leurs attentes et ont façonné le scénario de zonage qui a été proposé au CA de Forêt Hereford et a été finalement accepté par l’entité décisionnelle de FHI.
L’élaboration du zonage fonctionnel de Forêt Hereford a reposé sur une démarche structurée par enjeux et solutions. Un portrait des différentes ressources et fonctions présentes à Forêt Hereford a ainsi été réalisé (éléments à haute valeur de conservation, activités récréatives, activités de récolte faunique, acériculture, restauration forestière, production de bois de valeur, réseau routier, agriculture). Ces portraits ont alors permis d’identifier les principaux enjeux présents sur le territoire. Plusieurs pistes de solutions qui peuvent être mises en place par le biais d’un zonage fonctionnel, et répondant aux besoins et valeurs de la communauté environnante ont été proposées et discutées au sein du comité consultatif. Les solutions finalement retenues par le comité consultatif ont permis d’élaborer le scénario de zonage final. S’en est suivi un plan d’action qui a été rédigé afin de mettre en œuvre la proposition de zonage.
Ce scénario vise à maximiser l’intégration des fonctions et les retombées sur l’ensemble de la communauté et des utilisateurs de Forêt Hereford. Un souci de diversification des revenus a également guidé le choix de ce scénario.
Ainsi, 20% du territoire poursuivent un objectif de protection de la biodiversité, concentrés surtout autour de cours d’eau stratégiques, de sites avec présence d’espèces en péril et autour de sites sensibles visés par la servitude forestière. Dans certains de ces secteurs, l’aménagement forestier y devient interdit, dans d’autres, il est permis mais avec allongement du cycle de récolte toutefois. Trois secteurs couvrant environ 8% de la superficie totale de Forêt Hereford, où l’on retrouve une concentration importante d’infrastructures récréatives actuelles ou en devenir (sentiers, relais refuge, stationnement…) sont aménagés dans le but de favoriser la réalisation d’activités récréatives dans un environnement de qualité, sans que la récolte forestière ne soit autorisée. Une partie importante du territoire (22%), située dans la partie sud de Forêt Hereford répond quant à elle, spécifiquement à des objectifs d’aménagement d’habitats de qualité pour le cerf de Virginie et l’orignal, principales espèces chassées sur Forêt Hereford. Deux secteurs voués à la production acéricole sont aussi identifiés dans le zonage. Forêt Hereford est de plus avant-gardiste, en dédiant 15% de sa superficie à la production de crédits carbone, où les activités de récolte sont soit interdites, soit permises mais avec allongement du cycle de récolte. En ce qui concerne l’aménagement forestier, il est globalement permis sur 77% de la superficie totale, et poursuit systématiquement un objectif de restauration de la forêt, en mettant en place des mesures pour augmenter la présence d’essences forestières en raréfaction. Parmi ces superficies forestières, sur 730 ha (13%), des efforts soutenus seront mis en place pour améliorer la qualité du bois chez les essences à haute valeur.
La mise en application de ce scénario présente plusieurs défis, en particulier les promesses du marché de la vente des crédits carbone et la disponibilité de la main-d’œuvre et des moyens financiers permettant de réaliser les interventions sylvicoles requises pour produire du bois de qualité. En ce qui concerne les conflits d’usages sur le territoire, notamment entre la chasse et la récréation, plusieurs actions ont été proposées et semblent être prometteuses.
Finalement, il faut placer le scénario de zonage retenu dans un contexte d’aménagement adaptatif. Des indicateurs de suivi et des cibles sont proposés pour chacune des productions ou fonctions présentes sur Forêt Hereford. Le monitorage de ces derniers permettra à court, moyen et long terme d’évaluer les ajustements à prévoir dans le temps, car le zonage doit être vu comme un outil dynamique, qui est modifié lorsque de nouvelles données sont disponibles ou lorsque des choix d’aménagement sont révisés si le scénario proposé nécessite certains ajustements pour être optimal.