Dans le cadre du projet de « Mentorat qui contribue au développement des compétences et d’une expertise en gestion intégrée des ressources forestières en milieu autochtone », le CERFO a été mandaté pour regrouper les informations disponibles concernant les enjeux écologiques et la situation du caribou forestier dans la portion de la sapinière à bouleau blanc du nitassinan de la communauté Innue de Pessamit
caribou forestier
Pistes de solutions pour augmenter la rentabilité des opérations forestières et améliorer l’habitat du caribou par une meilleure gestion du réseau routier et de l’enfeuillement. Rapport 2014-12. 94 p. + 3 annexes.
Le secteur du lac des Neiges situé dans la réserve faunique des Laurentides est un lieu de fréquentation intensive par la harde de caribous de Charlevoix, espèce qui est actuellement désignée comme une « espèce vulnérable » par le gouvernement du Québec. La perte d’habitats disponibles pour le caribou est entre autres occasionnée par la fragmentation importante du territoire, liée à la densité élevée du réseau de chemins forestiers. De plus, la forte présence de l’ours noir, identifié comme le principal prédateur des faons du caribou dans cette région, serait également associée au réseau dense de chemins, combiné à la présence majoritaire de peuplements jeunes ou en régénération. Enfin, ce réseau routier dense coûte cher à entretenir par les différents utilisateurs du secteur et sa dégradation génère aussi d’autres problèmes environnementaux. Dans ce contexte, il devient urgent d’identifier des moyens qui permettraient d’optimiser la gestion du réseau routier, afin d’augmenter la rentabilité des opérations forestières de Scierie Leduc, principal industriel forestier qui s’approvisionne sur le territoire et de diminuer les problèmes environnementaux liés à ce réseau, notamment la perte d’habitats pour le caribou forestier.
Ce projet a permis de réaliser dans un premier temps un portrait de l’état des chemins forestiers dans le secteur du lac des Neiges. Ce portrait repose sur l’inventaire et l’analyse de 55 tronçons de chemins, répartis selon l’âge et la classe des chemins. Il apparaît que le niveau de compaction de la surface de roulement varie en fonction de la classe des chemins, mais reste toujours trop élevé, entraînant alors la nécessité de réaliser des travaux de préparation de terrain préalablement à une remise en production éventuelle des chemins. De plus, quels que soient l’âge et la classe des chemins, les gaules résineuses et feuillues sont insuffisamment présentes (< 33 % pour les résineux et < 14 % pour les feuillus) pour assurer à court terme la fermeture naturelle de la surface de roulement. Dans l’emprise, les vieux chemins (20-25 ans) ont une présence de gaules résineuses suffisante (≈60 %) et peu de compétition feuillue nuit à cette régénération. Dans les chemins plus jeunes, la présence des gaules est insuffisante (< 35 %) pour assurer la fermeture naturelle de l’emprise. Les microsites de plantation ne manquent par contre pas (> 63 %).
Une synthèse de la littérature disponible a ensuite permis d’identifier les modalités de fermeture de chemins qui sont déjà été expérimentées au Canada et ailleurs dans le monde (abandon naturel, blocage de l’accès, modification des infrastructures…), ainsi que les méthodes d’installation de traverses de cours d’eau temporaires. Cette synthèse fait le bilan, pour chaque modalité, des objectifs poursuivis, de ses avantages, ses inconvénients et dresse une évaluation sommaire des coûts de mise en œuvre sur le terrain.
Finalement, des solutions potentielles de fermeture de chemins ont été proposées pour chaque situation observée sur le territoire d’étude. La remise en production en essences résineuse avec au préalable la décompaction de la surface de roulement est la solution à privilégier. Des mesures de blocage de l’accès sont également recommandées pour à la fois protéger les travaux de plantation réalisés et limiter le dérangement des caribous. Aucune mesure spécifique de lutte contre l’enfeuillement ne s’avère par contre nécessaire en bordure des chemins. Une analyse des coûts de fermeture d’un kilomètre de chemin selon 6 scénarios possibles dans le secteur à l’étude a aussi été présentée. Il en est ressorti qu’en fonction des conditions rencontrées, ces coûts varient entre 12 050 $ et 23 750 $/km de chemin.
Étant donné que les solutions proposées reposent sur des essais réalisés ailleurs qu’au Québec, dans des conditions pouvant être fort différentes, il serait très pertinent de tester sur le terrain certaines des modalités de fermeture de chemins qui sont recommandées. Ces expérimentations permettraient de développer une méthode adaptée au contexte régional et de documenter les coûts réels de mise en œuvre, dans le but d’évaluer l’impact de ces mesures sur la rentabilité des opérations forestières. De plus, une modélisation de l’évolution du taux de perturbation suite aux travaux de fermeture de chemins envisagés permettrait d’évaluer les impacts à long terme des mesures de fermeture de chemins sur l’autosuffisance de la population de caribous de Charlevoix.
Faisabilité d’implantation d’une mosaïque d’aires protégées pour le caribou dans la région de la Capitale-Nationale. Rapport 2013-16. 253 p. + 10 annexes.
Une grande partie du territoire de la Capitale-Nationale est fréquentée par le caribou forestier, désigné comme « espèce vulnérable » au Québec. Sur une portion importante de son aire de répartition, peu de mesures tendent à concilier le maintien d’un certain niveau d’activités anthropiques avec les exigences du caribou forestier en termes d’habitat et de quiétude, essentielles à sa survie. De plus, les probabilités d’extinction à court terme de cette harde isolée sont élevées. Parallèlement à ces constats, si le réseau d’aire protégée de catégories strictes (principalement les parcs nationaux) est relativement bien représenté dans la région de la Capitale-Nationale (≈8,8 %), la Conférence régionale des élus (CRÉ) s’est fixé comme objectif d’augmenter de 3 %, d’ici cinq ans, la représentativité des aires protégées qualifiées de « moins strictes » (catégories IV à VI, permettant un certain niveau d’activités anthropiques), pour atteindre 15 % en aires protégées dans la région. Dans ce contexte, il devient intéressant d’évaluer la faisabilité d’implanter une nouvelle aire protégée moins stricte dans la région de la Capitale-Nationale, qui viserait la protection de la population du caribou forestier et de son habitat, harmonisée avec les activités anthropiques sur le territoire. Plus spécifiquement, ce projet a pour objectifs (1) d’identifier des secteurs propices à la création d’une nouvelle aire protégée sur l’ensemble du territoire occupé par la population de caribou; (2) de proposer un ou plusieurs scénarios-type d’implantation d’aires protégées et (3) d’en évaluer les impacts sur l’utilisation actuelle des ressources du territoire. La démarche adoptée a permis de cerner les besoins du caribou, d’identifier les enjeux présents sur le territoire, liés à cette espèce et de proposer des solutions. Le territoire d’étude est représenté par l’aire de répartition de la harde de caribous de Charlevoix, où l’on retrouve plusieurs territoires structurés (réserve faunique des Laurentides, ZEC des Martres, pourvoirie du lac Moreau) et trois parcs nationaux. Dans ce contexte, il a été décidé de créer un comité d’utilisateurs présents sur le territoire d’étude et de spécialistes sur le caribou, et de le consulter aux étapes clés du projet. Parmi les principaux enjeux recensés, on retrouve le faible taux de recrutement dû à la prédation importante des jeunes faons par l’ours noir, le dérangement accru du caribou, en particulier
pendant les périodes critiques de son cycle (mise bas et hivernage), la fragmentation élevée du territoire due à une forte densité du réseau routier et la perte de grands massifs de forêt mature. L’analyse des enjeux a ensuite permis de cibler, sur le territoire, des secteurs potentiels pour une nouvelle aire protégée. Plusieurs propositions de secteurs ont été présentées au comité mais il a été décidé de n’en retenir qu’une seule pour l’évaluation des impacts (celle qui couvre le plus largement les secteurs actuellement visités par les caribous). Ce scénario propose l’ajout 1 900 km2 en aire protégée, ce qui augmenterait de 9 % la représentativité des aires protégées dans la région. Trois types de secteurs sont proposés : les blocs caribou, les corridors caribou et les blocs polyvalents. Des modalités d’activités issues des solutions proposées ont ensuite été associées à chaque type de secteur. Dans un modèle d’aire protégée avec utilisation durable des ressources, les modalités visent alors à maintenir autant que possible le niveau des activités anthropiques actuellement pratiquées. Par contre, des restrictions sont apportées pour satisfaire les objectifs visés de protection du caribou et de son habitat. Un gradient de polyvalence des activités est donc proposé, en fonction de l’intensité de l’utilisation du secteur par le caribou.
Une évaluation des impacts de la mise en œuvre des modalités proposées a également été réalisée. Les impacts les plus important concernent : (1) une baisse de 36 % de la possibilité forestière dans l’UAF 031-53; équivalant à la perte d’environ une centaine d’emplois, (2) une limitation de la fréquentation de 137 lacs (dont 6 avec un achalandage très élevé) pendant les périodes de mise bas et de début de vie des faons (15 mai au 15 juillet), dans les secteurs où le caribou séjourne pendant cette période et (3) la relocalisation de 10 km de sentier de motoneige et de 30 km de quad. Des mesures d’atténuation de ces impacts sont proposées dans la section des recommandations.
L’exercice réalisé propose donc un exemple de scénario d’implantation d’une aire protégée avec utilisation durable des ressources, qui s’apparenterait au modèle d’aire protégée polyvalente en cours d’expérimentation au Québec. Ce modèle permet de mettre en place des mesures de protection du caribou et de son habitat, tout en rendant possible un certain niveau d’activités humaines, dont les activités industrielles comme la récolte forestière. Un comité de gestion et de suivi pourrait être mis sur pied, pour permettre aux intervenants responsables de la mise en valeur des différentes ressources présentes dans l’aire protégée de travailler ensemble et d’assurer une coordination des efforts et une gestion plus efficiente du territoire et de ses ressources. Étant attenant à trois parcs nationaux, ce projet permettrait de constituer un complexe d’aires protégées multicatégories.
Le scénario à l’étude repose sur des propositions de secteurs et de modalités d’activités qui devront certainement être raffinées ou modifiées. De plus, dans le cadre du présent mandat, il a été décidé de concentrer l’analyse sur la problématique du caribou, mais une analyse plus exhaustive de l’ensemble des enjeux de protection présents sur le territoire devra être faite si le projet d’aire protégée se concrétise. Plusieurs questions demeurent, notamment sur la synergie possible entre les activités sylvicoles et la restauration d’attributs de l’habitat du caribou, l’équilibre entre la protection de l’espèce et la présence humaine, les besoins du caribou en lien avec le dérangement humain… Par contre, l’exemple de scénario proposé permet nettement d’entrevoir les défis qui se poseront, si les instances gouvernementales décident d’aller de l’avant avec un projet d’aires protégées dans la région.