La structure actuelle de certaines forêts mélangées au Québec est très particulière. Celle-ci s’est développée suite à la réalisation d’interventions répétées, parfois abusives, et de perturbations naturelles. Elle est souvent constituée de groupes d’arbres dont la composition, la qualité et le niveau de maturité sont variables. L’utilisation de coupes progressives irrégulières dans ce type de peuplement semble une avenue intéressante puisqu’elle est adaptée pour la sylviculture d’espèces à tolérance, à longévité ou à régénération différentes. Contrairement à la coupe progressive uniforme et à la coupe progressive par trouées, la coupe progressive irrégulière (CPI) fait appel à une plus grande diversité d’interventions, où les arbres sont récoltés de façon irrégulière dans l’espace et dans le temps lors des interventions de régénération, pour diversifier au maximum les conditions d’installation et de développement de la régénération, selon le potentiel du peuplement déjà en place.
Le but du projet est d’expérimenter et de comparer la réalisation de la coupe progressive irrégulière avec et sans martelage dans des peuplements mixtes de structure irrégulière de la région écologique 4c-M (Hautes collines du lac Édouard (moyen St-Maurice)). Ainsi, les objectifs spécifiques du projet sont d’établir les modalités de martelage pour optimiser l’utilisation de la coupe progressive irrégulière; d’évaluer, à l’aide de critères et indicateurs, l’efficacité de la coupe progressive irrégulière réalisée avec et sans martelage; et d’installer un dispositif pour suivre les effets réels des différentes modalités de la coupe progressive irrégulière sur la croissance et l’installation de la régénération désirée.
Ce projet, qui a duré trois ans, a permis la mise en œuvre opérationnelle de la coupe progressive irrégulière par micro-peuplement dans la sapinière à bouleau jaune de l’ouest, plus précisément dans le chantier du lac Bergeron. Lors de la première année du projet, les prescriptions ont été réalisées, ainsi que le martelage positif, le suivi du martelage et la réalisation des travaux de récolte avec et sans martelage (Joanisse et al., 2012). Pour la deuxième année, les suivis après coupe ont été réalisés et analysés (Joanisse et al., 2013). Ces suivis consistaient en des analyses de bois sur pied, de conformité des travaux de récolte et de productivité de l’abattage. De plus, les facteurs influençant le martelage et la récolte (qualité et effort de martelage) ont été discutés ainsi que la méthode de suivi du martelage selon deux types d’inventaire, soit des placettes à rayon fixe et des placettes à rayon variable (prisme).
Lors de la troisième année, deux méthodes de scarifiage ont été testées, soit en plein et par trouées pointées (standard pour la région), et un dispositif de suivi du scarifiage et de la régénération a été implanté, dans lequel des mesures de couvert, de qualité des microsites et de régénération ont été notées. Le suivi du scarifiage a démontré que le scarifiage en plein permettait de produire une plus grande quantité de microsites propices que le scarifiage standard par trouées, mais que les temps d’exécution étaient plus longs dans ce traitement. Au niveau de l’évaluation du couvert résiduel, les méthodes utilisées ont permis de déterminer que le couvert obtenu se trouvait à l’intérieur des limites de l’intervalle du couvert moyen visé. Pour la régénération, les mesures prises immédiatement après scarifiage ont montré que la compétition était moins élevée dans les portions scarifiées. Un suivi à moyen terme permettra d’évaluer l’installation et la survie de la régénération désirée en plus de la compétition. Plusieurs recommandations sont également formulées.
À moyen terme, les résultats du projet permettront de documenter la mise en application de traitements sylvicoles visant à favoriser la récolte, la croissance du peuplement résiduel et l’installation et le développement de la régénération en essences désirées dans les peuplements feuillus et mixtes à dominance feuillue de la sapinière à bouleau jaune de l’ouest. Ainsi, le projet procurera aux intervenants régionaux différentes modalités sylvicoles pour optimiser la production de bois d’œuvre d’essences désirées à long terme. L’exploration du régime de la futaie irrégulière générera de nouvelles options qui pourront servir tant à l’échelle régionale que provinciale par le biais de recommandations pour la mise en œuvre des coupes progressives irrégulières.