Les guides de densité pour gérer les éclaircies et les coupes progressives

Poursuivant sa série de chroniques sur la boite à outils du sylviculteur, le CERFO s’intéresse à des outils de gestion de la densité de tiges, simples et performants, qui permettent de gérer le prélèvement dans les éclaircies et le couvert protecteur dans les coupes progressives. En effet, l’utilisation d’un pourcentage de surface terrière comme seule référence s’avère souvent inappropriée pour ces deux tâches : cette approche ne considère pas l’état du couvert d’origine et l’espace occupé par la cime peut différer d’une espèce à l’autre, pour une même surface terrière.

Article paru dans le Monde forestier du mois d’avril 2018

Éclaircie dans les sapinières denses de seconde venue localisées dans l’UAF 033-51 (secteur lac Faguet). CERFO. Rapport 2013-19. 63 p. + 2 annexes.

La récolte de peuplements résineux se fait traditionnellement par le prélèvement total du couvert dans les peuplements mûrs et vieux, occasionnant de ce fait leur raréfaction et une surabondance de sapinières denses peu productives de seconde venue (Comité d’experts sur les solutions, 2009). Ainsi, les peuplements denses non traités sont sujets à des pertes de croissance et pourraient présenter une vulnérabilité plus élevée aux perturbations naturelles. Par conséquent, les bénéficiaires de l’UAF 033-51, dont la compagnie Produits forestiers Résolu, s’interrogent sur la façon d’intervenir pour produire de futurs peuplements de meilleure qualité et réaliser des interventions d’une façon économiquement viable dans un contexte de chantier.

Ainsi, dans la région de Charlevoix, près de St-Hilarion, un dispositif expérimental à l’échelle opérationnelle a été mis en place dans le secteur du lac Faguet afin d’évaluer la possibilité de traiter, par des éclaircies commerciales, des sapinières denses de faible dimension. Les traitements à l’essai sont des éclaircies commerciales irrégulières (ECI), des éclaircies commerciales irrégulières par lisières (ECI lisières), des coupes progressives à sélection rapprochée (FERIC 123) (CPSR) et des témoins. Ces éclaircies ont été réalisées sans martelage. Ainsi, la sélection des tiges a été réalisée par les opérateurs de multifonctionnelle, qui ont reçu au préalable une formation sur les modalités d’intervention pour chacun des traitements étudiés et qui ont été encadrés tout au long des travaux. Des échantillonnages de bois sur pied et de régénération avant traitement ont été réalisés ainsi qu’une relecture des placettes après traitement afin d’évaluer la qualité des travaux. Ceux-ci ont été effectués durant les mois de mars et avril 2013. Deux entrepreneurs équipés de multifonctionnelles et de porteurs ont réalisé les interventions.

Les résultats démontrent que la proportion d’épinettes a légèrement diminué après intervention dans chacun des traitements, de même que la proportion de tiges de qualité (C, R). Ces diminutions seraient attribuables à la priorité donnée à l’espacement entre les tiges qui vise à optimiser la croissance des tiges individuelles. En effet, dans les agglomérations, plusieurs tiges sont gênantes et ne peuvent être considérées comme tiges d’avenir même si elles sont classées C ou R. Toutefois, la proportion d’arbres avec plus de 2/3 de cime vivante s’est améliorée pour l’ECI et la CPSR.

Le choix de réaliser une éclaircie dans des peuplements denses de faible dimension est conditionné par le coût d’opération et la dimension des tiges. Les portions de peuplement constituées d’une concentration de tiges de très faible dimension (10 cm en moyenne) doivent être exclues des interventions, étant trop onéreuses à réaliser dans ces conditions. Pour réaliser des travaux d’éclaircie viable dans ce type de peuplement, un diamètre moyen égal ou supérieur à 14 cm est recommandé dans les conditions actuelles.

Les résultats présentés dans ce rapport sont sommaires, ils seront complétés par ceux des suivis prévus en 2013-2014.

Suivi 15 ans après une intervention d’éclaircie dans une érablière à feuillus tolérants de la réserve faunique de Papineau-Labelle. CERFO. Rapport 2012-15. 50 pages + 1 annexe.

De façon avant-gardiste, la compagnie Produits forestiers Turpin (maintenant Lauzon Ressources Forestières) et l’unité de gestion de Buckingham (MRNF), en collaboration avec le CERFO, installèrent en 1995 un dispositif expérimental visant à développer des scénarios sylvicoles performants pour la production de bois d’œuvre dans les érablières de l’Outaouais. Le dispositif est situé dans le sous-domaine bioclimatique de l’érablière à bouleau jaune de l’ouest sur le type écologique FE22.

L’objectif du projet consiste à comparer 2 méthodes de mise en application de l’éclaircie dans une érablière à feuillus tolérants dans la classe des 70 ans et un témoin sans intervention. L’intervention traditionnelle de coupe d’amélioration (suppression prioritaire des arbres de faible vigueur) fut comparée à l’éclaircie sélective telle que définie par Schütz (1990) (identification des arbres d’avenir qui formeront le peuplement final et suppression des tiges gênantes au développement de leur cime). Le dispositif a été établi selon un plan en blocs complets aléatoires avec 3 répétitions.

Pour le suivi effectué à partir des arbres d’avenir d’érable à sucre, les résultats indiquent que l’éclaircie sélective présente des accroissements en diamètre significativement supérieurs à ceux observés dans la coupe d’amélioration et le témoin pour des tiges dont le DHP varie de 24 cm à 44 cm, le témoin et la coupe d’amélioration étant équivalents. Par exemple, une tige d’érable à sucre de 24 cm s’accroît de 3,7 cm/15 ans dans le témoin, de 4,4 cm/15 ans dans la coupe d’amélioration et de 5,8 cm/15 ans dans l’éclaircie sélective. Pour les tiges de 24 cm et moins, aucune différence significative entre les traitements n’a été observée. La même relation a été observée au niveau des accroissements en volume en indiquant des gains importants au niveau de la production du volume de sciage. Par exemple, une tige de 30 cm s’accroît de 0,13 m 3 /15 ans et 0,12 m 3 /15 ans dans le témoin et la coupe d’amélioration alors qu’elle va s’accroître de 0,20 m 3 /15 ans dans l’éclaircie sélective. Un gain variant entre 0,07 et 0,08 m 3 /15 ans est donc observé en faveur de l’éclaircie sélective. En valeur monétaire, ces gains se traduisent par un bénéfice moyen de 6 $/tige récoltée pour le mandataire. Par ailleurs, les données recueillies ont permis de conclure que la cime des arbres-études du témoin et de l’éclaircie sélective est significativement moins asymétrique que celle des arbres-études de la coupe d’amélioration.

Au niveau du peuplement, les analyses ont démontré qu’il n’y a pas de différence significative entre les traitements pour l’accroissement en surface terrière. Pour le volume total, les résultats indiquent que l’accroissement en volume total du témoin est significativement supérieur à celui observé dans l’éclaircie sélective, mais équivalent à celui de la coupe d’amélioration. Les accroissements en volume total varient de 30 à 70 m 3 /ha/15 ans et les différences entre les traitements sont principalement dues à l’accroissement en volume de pâte généré par la coupe d’amélioration et le témoin. Pour l’accroissement du bois d’œuvre en volume de déroulage, les données recueillies ont permis de conclure à de meilleurs accroissements dans l’éclaircie sélective que dans la coupe d’amélioration et le témoin. L’éclaircie sélective présente des accroissements de 0,91 m3 /ha/15 ans alors que la coupe d’amélioration et le témoin présentent des accroissements respectifs de 0,20 et 0,38 m 3 /ha/15 ans. Pour les accroissements en volume de sciage, les analyses n’ont pas indiqué d’effet significatif des traitements et ont plutôt conclu à un effet très significatif de la condition initiale du peuplement, où l’éclaircie sélective a débuté avec une plus grande proportion de sciage, qui s’est aujourd’hui maintenue dans le peuplement.

Concernant la mortalité, les analyses n’ont pas permis de conclure à un effet du traitement et les résultats indiquent qu’elle est plutôt attribuable aux types d’essences et au diamètre initial des tiges. Le bouleau jaune, le peuplier à grandes dents et l’érable rouge présentent des taux de mortalité équivalents significativement plus élevés que celui de l’érable à sucre, qui présente un taux de mortalité moyen de 4 %.

Dans un contexte de production de valeur ajoutée du bois sur pied, ces résultats soulignent l’importance de détourer les cimes des arbres d’avenir lors des interventions de récolte forestière afin de maximiser la production de bois d’œuvre dans les érablières de l’Outaouais. De plus, le détourage des arbres d’avenir permet d’activer la production de gros arbres et représente conséquemment une mesure à promouvoir pour la restauration active d’attributs de vieilles forêts. Finalement, pour les interventions effectuées, la rotation de 20 ans convient généralement aux érablières riches de l’Outaouais situées sur des stations FE22. Mais en se basant sur les diagrammes de densité (OMNR, 1998) et la reconstitution obtenue de la surface terrière initiale, les rotations de 15 ans ne doivent pas être exclues.